« N’imaginez pas que je suis venu pour nullifier la Torah ou les paroles des Prophètes, je ne suis pas venu pour nullifier mais pour soutenir. Car amen, je vous le dit, jusqu’à ce que les cieux et la terre ne passent, pas un seul yod ou une seule épine ne passeront de la Torah jusqu’à ce que tout soit établi.
Par conséquent, l’homme qui annule l’un de ces moindre commandements, et qui enseigne aux fils des hommes à faire comme lui, sera appelé moindre dans le royaume des Cieux, mais quiconque les fait et les enseigne, sera appelé grand dans le royaume des Cieux » – Mattaï 5:17-20
Yéchoua, dans les termes des plus explicites, soutient la continuité et la validité de la Torah — la Loi de Dieu. Il décrit quel est son but en tant qu’enseignant, qui est non pas de nullifier, mais de soutenir.
Ces termes, ‘nullifier’ (lévatèl) et ‘soutenir’ (lékayèm) appartiennent au contexte juif du 1er siècle. En effet les Sages d’Israël utilisaient ces termes pour décrire l’annulation de la Torah quand une interprétation (en vue d’une application ou pratique) semblait détruire son sens ou son principe et lorsqu’une interprétation semblait correctement représenter le sens de la Torah et « l’esprit de la lettre ». ‘Lévatèl’ pourrait donc être librement traduit : ‘mal interpréter et en abolir le sens’ et ‘lékayèm’ pourrait être traduit : ‘interpréter correctement et en soutenir le sens’.
Les termes sont utilisés de cette manière par les Sages :
« Quiconque soutient la Torah dans la pauvreté, la soutiendra plus tard dans la richesse, et quiconque annule la Torah dans la richesse, l’annulera plus tard dans la pauvreté. » – Maxime des Pères 4:9
« Si, cependant, ils jugèrent qu’une partie du commandement devrait être annulée, et qu’une autre devait être soutenue, ils méritent d’être punis. » – Michnah, Horayot’ 1:3
« Lévi ben Sissi…prit un rouleau de la Torah et alla sur le toit et dit ‘Maître des siècles! Si j’ai annulé ne serait-ce une seule parole de ce rouleau de la Torah, qu’ils viennent contre nous, et si non, qu’ils continuent leur chemin’ » – Talmoud de Jérusalem, Ta’anit’ 3:8
Rabbi Eliézer pensant que Rabbi Akiva suggérait dans son interprétation que le sacrifice de l’agneau de Péssa’h ne pouvait pas surpasser la prohibition de tout activité le jour du Chabbat, alors que la Torah le dit, il dit à Rabbi Akiva :
«’Akiva, tu as annulé ce qui est écrit dans la Torah!’ » – Michnah, Péssa’him 6:2
«Mais si tu as interprété ainsi, tu serais entrain d’annuler tout ce qui est écrit. » – Mé’hilta, ‘Bo’ 3 sur Exode 12:13
Pourquoi est-ce que le Nazaréen mentionne-t-il les « cieux et la terre »? Parce qu’il fait probablement référence à deux passages important dans la Torah :
1. « Dans le commencement créa Dieu les cieux et la terre » – Genèse 1:1 de l’hébreu
Il fait ici référence à l’idée des Sages d’Israël, que Dieu a créé l’univers à travers sa Torah, comme il est dit, « Rabbi O’hayia commença son sermon (sur Genèse 1:1) en disant : ‘Et j’étais auprès de Lui comme un « amon », et j’étais tous les jours tout le délice’ (Proverbes 8:30)… ‘amon’ est un ‘ouvrier’ (‘ouman’).
La Torah déclare : ‘ J’étais l’instrument d’ouvrage de Celui Qui est Saint, béni soit-Il.’ Dans la pratique des hommes lorsqu’un roi mortel construit un palais, il le construit non avec sa propre habileté mais avec celle de son architecte. L’architecte, de plus, ne le construit pas de sa propre tête, mais use de plans et de diagrammes pour savoir comment arranger les chambres et les portillons.
Ainsi, Dieu consulta la (1) Torah et créa le monde, alors que la Torah déclare ‘Commencement créa Dieu’ ‘Commencement’ se réfère à la ‘Torah’ comme dans le verset : ‘L’Eternel me créa au commencement de son chemin, avant ses oeuvres les plus anciennes’ (Proverbes 8:22) » – Midrach Rabbah 1:1
2. « Je prends aujourd’hui les cieux et la terre à témoins contre vous : j’ai placé devant toi la bénédiction et la malédiction, et tu choisiras la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer HaChèm, ton Dieu, pour écouter à sa voix et t’attacher à lui, car il est ta vie et la longueur de tes jours, afin de demeurer dans la terre que HaChèm a juré à tes ancêtres, à Abraham, à Isaac et à Jacob, de leur donner. » – Deutéronome 30:19-20
Il est aussi écrit : « Car je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre; On ne se rappellera plus les choses passées, elles ne reviendront plus à l’esprit. » – Esaie 65:17
L‘idée est celle-ci : puisque Dieu a créé les cieux et la terre à travers sa Torah, une destruction de ceux-ci implique que tout ce qu’ils contiennent — tout l’univers, sera détruit, alors les lois de la Torah qui appartenaient à ce monde-là (Olam Hazéh) ne s’appliquerait plus dans le nouvel univers (Olam HaBa), mais comme le cieux et la terre n’ont pas encore été détruits et re-créés (2 Pierre 3:9-14), alors tous les commandements de Dieu doivent être mis en pratique, aucun de ceux-ci, même celui qui semble être le moindre —le plus insignifiant, ne doit être négligé, il est autant important aux yeux de Dieu, comme il est dit par les Sages,
« Rabbi, Yéhouda HaNassi dit, ‘Sois scrupuleux pour un commandement mineur comme pour un commandement majeur, car tu ne connais pas le salaire qu’impliquent les commandements. Considère le coût d’un commandement par ses récompenses, et les récompenses d’une transgression par son coût. » – Maximes des Père 2:1
En faisant allusion à Deutéronome 30.20, Yéchoua fait une interprétation sur le passage dans son exhortation : faire les commandements revient à (2) écouter la voix de Dieu et à s’attacher à Lui, la terre promise, quant à elle, fait référence au Royaume des cieux.
« pas un seul (3) yod ou une seule épine »
Pourquoi mentionner spécifiquement le yod — la plus petite lettre de l’hébreu? Lisons l’enseignement suivant :
« Lorsque le Saint, béni soit-Il, donna la Torah à Israël, Il y inséra des commandements positifs et négatifs, et il donna des commandements pour le roi, comme il est dit « Il ne se multipliera pas des chevaux…il ne se multipliera pas des femmes, de peur que son coeur ne se détourne. » (Deutéronome 17:16-17)
Mais Salomon se leva et étudia la raison de la prohibition, disant ‘Pourquoi est-ce que le Saint, béni soit-il, a commandé, ’il ne se multipliera pas des femmes?’ N’est-ce pas tout simplement afin que son coeur ne se détourne pas? Eh bien, je multiplierais les femmes, et je garderais mon coeur de se détourner.’
A cet instant, le petit yod du mot ‘yarbéh’ (ירבה /multipliera), s’éleva dans les hauteurs et se prosterna devant le Saint, béni soit-Il, et dit, ‘Maître de l’univers! N-as-Tu donc pas dit qu’aucune lettre de la Torah ne serait annulée? Voici maintenant Salomon s’est levé et m’a annulée. Qui sait? Aujourd’hui il a annulé une lettre, demain il en annulera une autre jusqu’à ce que toute la Torah soit annulée!’
Le Saint, béni soit-Il, répondit : ‘Salomon et un millier comme lui passeront, mais le plus petit trait de lettre ne sera pas effacé de toi.’ » – Exode Rabbah 6:1
Selon Deutéronome 17:18, le roi d’Israël devait écrire une rouleau entier de la Torah, dans cette histoire, Salomon désirant avoir beaucoup de femmes, entreprit d’effacer le yod et de le remplacer par un alèf (ארבה). Sa nouvelle version du verset disait donc « Je me multiplierai des femmes, et son coeur ne se détournera pas ». En effaçant le yod —une si petite lettre, Salomon a complètement changé le sens de la phrase. Un enseignement à en tirer, c’est que la Parole de Dieu ne devrait pas être considérée comme manipulable.
On peut comparer ce passage de la tradition avec celle rapportée par Loukas (Luc) :
« Mais il est plus facile pour les cieux et la terre de passer qu’une (4) épine ne tombe de la Torah » – Luc 16:17
Que veut donc le Nazaréen dire en parlant d’ « épine »?
Ceci fait vraisemblablement référence aux petits traits de l’hébreu qui peuvent transformer une lettre en une autre et donc changer le sens d’un mot et ainsi même de la phrase. Compare par exemple les lettres suivantes qui se ressemblent : סם גנ ףךן עצ חה כבנ
Yéchoua est entrain de faire référence aux prescriptions très strictes des Scribes sur l’écriture de la Torah en hébreu. Une seule erreur dans l’écriture d’une lettre pouvait rendre (5) invalide tout le rouleau, et le scribe devait recommencer.
Notes :
Parfois on pense que Yéchoua est venu « compléter » la Torah et les Prophètes. Hors cette idée est erronée, car il est écrit « Tout ce que je vous prescris, observez-le exactement, sans y rien ajouter, sans en retrancher rien.» (Deutéronome 13:1) et aussi « La Torah de l’Eternel est parfaite: elle réconforte l’âme. Le témoignage de l’Eternel est véridique: il donne la sagesse au simple. » (Psaume 19:8).
Loin de Yéchoua était l’idée de communiquer qu’il devait compléter ou ajouter quelque chose à la Torah de Dieu! Dans ce texte il dit simplement qu’il interprète les Ecritures de manière à expliquer leur sens intentionnel afin de les soutenir et les maintenir valides pour la vie de tous les jours. Ceci est démontré par les versets précédant et suivant notre texte.
La Torah était un don de Dieu (Romains 9:4), comment pourrait-elle avoir besoin d’être « complétée »? Le frère de Yéchoua a lui-même bien dit : « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. » (Jacques 1:17) Dieu ne change pas, et ne vas pas demander à son Messie d’ajouter des choses à la Torah des centaines d’années plus tard!
Il y a aussi la notion que puisque Yéchoua aurait « accompli » (6) tous les commandements, ses disciples d’aujourd’hui ne sont plus tenus de les pratiquer. Rien ne pourrait être plus éloigné de l’enseignement du Nazaréen, comme nous le verront dans de futurs articles.
Note simplement que Yo’hanan HaZakkèn’ (Jean), un de ses disciples, a écrit d’une manière très claire la chose suivante : « Nous connaissons que nous aimons les enfants de Dieu, lorsque nous aimons Dieu, et que nous pratiquons ses commandements. » – 1 Jean 5:2
Cha’oul HaKadoch (Paul) a lui-même écrit : « Ignorez-vous, frères, – car je parle à des gens qui connaissent la Torah, -que la Torah exerce son pouvoir sur l’homme aussi longtemps qu’il vit? » – Romains 7:1
Et aussi : « La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien, mais l’observation des commandements de Dieu est tout. » – 1 Corinthiens 7:19
« … l’homme qui annule l’un de ces moindre commandements, et qui enseigne aux fils des hommes à faire comme lui, sera appelé moindre dans le royaume des Cieux, mais quiconque les fait et les enseigne, sera appelé grand dans le royaume des Cieux »
Ici les conditions pour que l’on soit appelé ‘grand’ dans le Royaume des Cieux, c’est que d’abord 1. nous soutenions tous les commandements — c.à.d qu’on les considère tous importants dans leur ensemble et que nous les interprétions correctement, puis 2. que nous les mettions en pratique et ensuite 3. que nous enseignions les autres à les pratiquer.
Ceci est retracé par les enseignements du Nazaréen :
1. « …car vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, mais vous négligez ce qui est plus important dans la Torah, la justice, la miséricorde et la fidélité. Vous devez faire l’un sans négliger l’autre!» – Matthieu 23:23
2. « Pas tous ceux qui me disent, ‘Mon maître, mon maître!’ n’entreront dans le royaume des Cieux, mais plutôt celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux…alors je leur répondrait, ‘Je ne vous ai jamais connus, éloignez-vous de moi, faiseurs de mal!’» – Matthieu 7:21
3. « Et vous, allez…faites des disciples… » – Matthieu 28:19
La prochaine fois que nous sommes confrontés à ces fameux commandements qui nous pousseraient à dire « mais c’est que pour les juifs ça! » ou encore « C’était dans l’Ancien Testament! On n’a plus besoin des ces lois! » ou aussi « C’est ridicule/absurde! Heureusement que Christ a aboli ces choses! » nous ferions bien de nous reprendre, de demander pardon à Dieu pour notre orgueil (Romains 11:18; Psaume 119:21,160,165; 2 Timothée 3:16-17) et de nous souvenir de la précieuse responsabilité que nous a confié notre Maître de Galilée.
Car il est bien écrit : « Maudit soit quiconque ne (7) soutiendrait point les paroles de cette Torah et négligerait de les mettre en pratique! Et tout le peuple dira: Amen! » – Deutéronome 27:26
« Dans la loi de Dieu, tout a un but et sa signification. Rien de superflu. Le moindre mot, la lettre même la plus insignifiante y a sa raison d’être, bien que cette raison, quelque fois profonde, puisse nous échapper. » – Rabbi Elie Soloweyczyk, ‘La Bible, le Talmud et l’Evangile’ sur Matthieu 5:18, p.198
(1) – La Loi, selon la pensée hébraïque, est la même chose que la Parole de Dieu, voir Psaume 119:17-18
(2) – Ecouter et obéir sont exactement le même mot en hébreu, un article va être publié en expliquant ce mot.
(3) – Yéchoua, le Galiléen, n’enseignait pas en grec mais en araméen ou en hébreu. Le « yod » hébreu est donc l’équivalent de la « yota » grecque.
(4) – Dans l’hébreu : « qu’un kotz ne tombe… », « kotz / “קוץ veut dire « épine » en hébreu et se réfère à un trait de lettre.
(5) – Voir par exemple : Talmoud Babylonien, Ména’hot 29a
(6) – Ceci est aussi une erreur. Yéchoua n’a certainement pas pu accomplir/faire les lois qui concernent uniquement les femmes, les lévites, le souverain sacrificateur etc… Voir par exemple Hébreux 8:4.
(7) – « Yakim » qui a la même racine que notre mot « soutenir / lékayèm ».